Bonjour madame Brochu,
J’ai été très touché par votre prise de parole du 13 février dernier, au cours de laquelle vous avez insisté sur l’importance, pour les élus et les entreprises, de restaurer la confiance des gens envers nos institutions.
Je suis tout à fait d’accord avec vous : les entreprises doivent assumer un plus grand leadership dans l’amélioration de la société dans laquelle on vit. Vous ajoutez qu’il doit en être ainsi «parce [qu’elles] détiennent deux des principaux leviers de l’évolution et de l’organisation de nos sociétés : les emplois et l’argent».
Non seulement je suis d’accord avec votre affirmation, mais j’irai plus loin : les entreprises doivent saisir l’occasion de devenir créatrices de valeurs (et je ne parle pas ici de valeur en bourse).
Fini le temps où la maximisation de l’avoir des dirigeants et des actionnaires était le seul but d’une entreprise ! C’est « tellement XXe siècle » ! Aujourd’hui, il faut penser profit, bien évidemment, nous sommes en affaires, mais nous devons également mettre à l’avant-plan le bien-être des individus et la sauvegarde de notre planète.
L’entreprise comme vecteur de changement social
Vous avez suggéré que les entreprises devraient accepter de diminuer leur rendement d’un à deux pour cent afin de mieux prendre soin de leurs employés et de la société.
[…] la maximisation de l’avoir des dirigeants et des actionnaires, […] c’est « tellement XXe siècle » !
À mon avis, vous faites ici fausse route : par cette affirmation, vous sous-entendez que prendre soin de ses employés a un coût ; or, j’affirme qu’il est possible d’améliorer simultanément le sort des employés et la profitabilité des entreprises.
Mon raisonnement tient au fait que trop souvent les entreprises mettent l’emphase sur les besoins de sécurité tels que le salaire et les avantages sociaux alors que les employés ont davantage besoin, lorsqu’un niveau décent de revenu est atteint, d’autonomie, de se sentir compétents, connectés et soutenus par d’autres personnes et, finalement, de se réaliser.
Pour exploiter le potentiel énorme découlant d’employés réellement satisfaits de leur emploi, il suffit pour l’entreprise de définir les éléments fondamentaux que sont sa raison d’être et ses valeurs.
Définir la raison d’être et les valeurs de l’entreprise : un outil puissant
L’entrepreneur dispose de tous les pouvoirs pour créer l’environnement professionnel dans lequel ses employés pourront combler leurs besoins psychologiques. En débutant en définissant la raison d’être et les valeurs fondamentales de son entreprise, il pourra mettre de l’avant la différence que son entreprise fait dans sa communauté ou chez ses clients. Un atout majeur pour motiver ses employés.
À quel endroit préfèreriez-vous travailler ? Au commerce qui sert un bon café ou à celui qui permet aux gens de s’évader de leurs soucis le temps d’une pause ?
Dans l’entreprise qui répare des appareils électroménagers à domicile ou dans celle qui ramène la paix d’esprit dans les familles ? Pour l’entreprise qui distribue du gaz naturel ou bien pour celle qui assure l’autonomie énergétique des foyers ?
Lesquelles de ces missions susciteront fierté et désir de se dépasser chez les employés et leur donnera le goût de faire un effort supplémentaire ?
Par la suite, il s’agit de décliner cette raison d’être dans tous les postes de l’entreprise, et non seulement ceux qui apparaissent créer le plus de valeur, car tous les postes font une différence. Tous les postes incluant ceux sur le terrain ? Hé bien oui ! Le rôle du président est important, mais celui du commissionnaire aussi, car les deux permettent de livrer la promesse de marque au consommateur.
Il importe à cette étape de mettre en place des communications internes efficaces afin que la raison d’être et les valeurs soient vécues à tous les niveaux de l’entreprise et demeurent vivantes.
Ensuite, tout en valorisant le travail de ses employés, l’employeur doit amener ces derniers à participer au développement et à la mise en place de processus améliorant la productivité. Constatant l’authenticité de leur patron, les employés se sentiront en confiance et feront les efforts supplémentaires afin d’aider l’entreprise à faire la différence dans son environnement[1]. De la valeur supplémentaire sera créée et pourra être réinvestie comme vous le proposez, Mme Brochu !
Il est possible d’améliorer simultanément le sort des employés et la profitabilité des entreprises.
Rétablir la confiance pour influencer positivement son environnement
Connaissez-vous l’origine de la poignée de main ? C’était à l’époque pour signifier à notre interlocuteur que nous n’avions pas d’arme — et qu’il pouvait donc nous faire confiance.
À la base de notre société, à la base de toute communication se trouve la confiance : confiance que les élus vont respecter leur parole ; confiance que notre conjoint s’occupera convenablement de notre enfant en notre absence ; confiance que les entrepreneurs ne vont pas abuser de leurs employés pour leur propre enrichissement ou celui de leurs actionnaires ; les exemples sont innombrables !
Nous faisons confiance — ou non — cent fois par jour. Or, comme vous l’avez si justement mentionné, l’évolution de la société au cours des dernières décennies a été ponctuée d’événements ayant affecté la confiance de base des individus. Cette « crise de la confiance » a eu pour conséquence de rendre les gens excessivement cyniques. Il est encore temps de renverser la vapeur.
Chacun d’entre nous à la responsabilité de rendre le monde meilleur. Votre intervention du 13 février constitue un excellent pas vers un changement durable dans notre société ; serons-nous assez courageux pour poursuivre notre marche, ensemble ?
Lire aussi : Il est temps d’arrêter de ne pas avoir le temps!
[1] Une des multiples références : Aubrey Daniel, dans son livre Bringing Out The Best In People, mentionne qu’un employé motivé peut fournir 40% d’efforts discrétionnaires.